Déclaration de la FNEC FP- FO

 

Audition du 30 septembre 2003

par la Mission parlementaire d’information sur la question

des signes religieux à l’école.

 

Pour la FNEC FP-FO la laïcité de l’école n’est pas une question d’opinion mais un principe fondamental de la République principe défini par les lois organiques de 1882 et 1886 et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. Ce principe est devenu constitutionnel en 1946.

 

Au-delà de la question des signes religieux nous voulons d’emblée faire état d’une préoccupation plus générale à propose de la loi constitutionnelle de mars 2003 et de ses suites législatives. Le droit à l’expérimentation reconnu aux collectivités territoriales par la loi organique de juillet 2003 ne risque-t-il pas d’entraîner d’inquiétantes dérives, en particulier en matière de laïcité, l’actualité récente en Allemagne ne préfigure-t-elle pas ce que deviendrait une laïcité régionalisée ? Le projet de loi relatif à la décentralisation est à notre avis lourd de menaces ; que resterait-il de l’Ecole laïque dans une Education nationale définie comme “un service public national dont le fonctionnement est assuré par l’Etat sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales” ?

 

Si un débat public est ouvert aujourd’hui c’est parce que la laïcité de l’école est mise à mal et dès lors les missions de l’école publique sont remises en cause et les conditions d’un enseignement serein ne sont plus réunies.

Les règles traditionnelles de la laïcité ont prévalu pendant des dizaines d’années ; elles étaient simples : aucun clerc à l’école publique, aucun enseignement religieux à l’école publique, aucun signe religieux à l’école publique, stricte neutralité religieuse.

Il faut rétablir ces règles traditionnelles et restaurer les principes. Le respect de la stricte neutralité religieuse de l’enseignement public est par nature incompatible avec la permanence de multiples tentatives pour lui substituer la coexistence, forcément précaire, des communautés.

 

Nous voulons souligner que ces tentatives se développent depuis la loi d’orientation du 10 juillet 1989 (loi Jospin). L’article 10 de cette loi d’orientation stipule que “ Dans les collèges et les lycées les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d’information et de la liberté d’expression”.

Le 27 novembre 1989 un avis du Conseil d’Etat interprète, à la demande du gouvernement d’alors, cet article et lui donne tout son contenu. L’avis du Conseil d’Etat considère que cet article 10 renverse le principe même de laïcité : “Dans les établissements scolaires le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité dans la mesure où il constitue l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation de croyances religieuses”.

Le même avis du Conseil d’Etat renvoie aux conseils d’école et aux conseils d’administration des collèges et lycées la responsabilité de déterminer les modalités d’application du respect des principes de laïcité et de pluralisme et notamment les conditions dans lesquelles pourrait être restreint ou interdit le port par les élèves de signes d’appartenance à une religion.

Pour Force Ouvrière la laïcité ne peut pas être à géométrie variable, d’un établissement ou d’une école à l’autre. Il n’appartient pas à chaque établissement ni à chacun des professeurs d’interpréter ce qui est conforme ou non au respect de la laïcité.

Force est de constater qu’aucune circulaire n’a pu modifier ensuite ou infléchir la jurisprudence initiée par l’avis du Conseil d’Etat du 27 novembre 1989.

Force est de constater que les juridictions administratives saisies de cas d’expulsion d’élèves manifestant leur appartenance à une religion ont, sauf exceptions tirées de la sécurité ou de l’assistance à certains cours, en permanence jugé selon cette jurisprudence et annulé les exclusions d’élèves.

 

Dans ces conditions Force Ouvrière ne demande aucune nouvelle loi, ni charte ; nous demandons le retour aux principes de la République et leur strict respect, ce qui nécessite l’abrogation de la loi d’orientation de 1989 qui leur est contradictoire. Contradictoire par son article 10 qui a ouvert la voie aux mesures administratives imposant aux enseignants d’accepter les signes religieux ostentatoires dans leurs classes. Contradictoire par le renvoi explicite à chaque établissement de la responsabilité d’interpréter les principes de la laïcité.

 

Pour conclure, nous nous devons de faire état de la grande inquiétude de nos collègues dans tous les établissements et en particulier dans ceux, de plus en plus nombreux, où ils sont confrontés à ce problème.

Les autorités administratives leur imposent le plus souvent d’accepter en classe des élèves qui portent des signes religieux. Comme enseignants, comme fonctionnaires d’Etat, ce n’est pas au nom d’opinions ou appartenances religieuses, politiques ou philosophiques qu’ils expriment leur détermination collective ; ils veulent enseigner à des élèves et non à des adeptes. Leurs opinions divergent autant que celles des familles des élèves que la nation leur confie. Ils sont au service de l’école laïque qui ne reconnaît aucun culte.

Ils refusent de se faire instrumentaliser dans un débat politique, ils sont convaincus que leur conception de la laïcité scolaire peut seule permettre à leurs élèves d’être protégés pour le temps et dans l’intérêt de leurs études. Ils refusent de prendre en considération des jugements de valeur sur la façon d’interpréter telle ou telle religion. Ils veulent, sur ce plan comme sur d’autres, que la sérénité préside aux missions qui leur sont confiées et demandent à leurs supérieurs hiérarchiques de prendre leurs responsabilités.

 

C’est pourquoi Force Ouvrière ne demande aucune nouvelle loi qui affaiblirait nécessairement les principes de la laïcité et revendique l’abrogation de la loi d’orientation de 1989 qui a profondément déstabilisé l’institution scolaire.