« L’Ecole Syndicaliste » n°335, février 2004

 

 

Mise en réseaux des écoles :

 

æ  L’éditorial de Paul Barbier

 

æ  Le contenu des projets de décrets ministériels

 

 

 

æ  L’éditorial de Paul Barbier

 

Mise en réseau des écoles et carte scolaire :

une logique économique et financière

 

Les opérations de carte scolaire ont commencé dans tous les départements. Elles sont marquées par le fait que pour accueillir plus de 55 000 élèves supplémentaires, le budget 2004 n’a créé que 1460 postes, 1 pour 38 nouveaux élèves.

Alors que le ministère prévoit une augmentation des effectifs dans toutes les académies sauf celle de Reims, 10 académies se voient supprimer des emplois : Amiens, Besançon, Caen, Clermont Ferrand, Lille, Limoges, Nancy Metz, Reims, Rouen et la Martinique.

 

Fermeture de classes et d’écoles, non-ouverture de celles qui sont nécessaires, fusions d’écoles maternelles et élémentaires, généralisation de la remise en cause de la pré scolarisation des enfants de 2 ans, voir de 3 ans, diminution des moyens de remplacement, telles sont quelques-unes des conséquences prévisibles.

 

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la volonté du ministère de mettre en place coûte que coûte les réseaux d’écoles dès la prochaine rentrée. Comme nous l’expliquons pages 4 et 5, cette « réforme » de l’école primaire ouvre d’énormes possibilités en matière d’économies de postes d’enseignants.

Qui pourrait croire un  seul instant que le ministère de l’Education nationale puisse échapper aux injonctions de  M Lambert, ministre délégué au budget, qui commence déjà à préparer les membres du gouvernement à un nouvel exercice de rigueur en 2005, qui se prolongera en 2006 et 2007 (1).

 

Face à cette situation, le SNUDI FO entend agir, à tous les niveaux, en liaison avec la fédération et les unions départementales pour défendre les conditions de travail des enseignants et les conditions d’étude de leurs élèves, les unes étant inséparables des autres…

 

Montreuil le 26 janvier 2004

Paul BARBIER

Secrétaire général

 

L’objectif de M.  Lambert est clair  : identifier, dès le début de la préparation du budget, “des projets de réforme qui pourront être expertisés précocement pour que les économies qui en résultent soient intégrées à la loi de finances 2005”. Mais la nouveauté, cette année, réside dans la décision de Bercy de chiffrer le montant des économies à trouver sur la masse salariale et les crédits des administrations (fonctionnement, investissement, intervention)  : 9,5  milliards d’euros sur la période  2005-2007.

 

 

 

æ  Mise en réseau des écoles

Que contiennent les projets de décrets ministériels ?

 

Le cabinet du ministre a rédigé deux projets de décrets qu’il a présenté aux organisations syndicales représentatives. Ces décrets modifient, d’une part, le décret n° 90-788 du 6 septembre 1990 relatif à l’organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires et, d’autre part, le décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d’école.

 

Lors de la rencontre avec les représentants du ministre, qui a duré trois heures, la délégation du Snudi FO a d’abord rappelé que ces projets de décrets n’apportaient rien de nouveau par rapport aux propositions antérieures. Puis elle a proposé à ses interlocuteurs     d’examiner point par point les textes dans le but de démontrer qu’ils étaient nuisibles pour l’école et pour ses maîtres et que le bon sens exigeait leur retrait.

 

 

Projet de décret modifiant le décret n° 90-788 du 6 septembre 1990 relatif à l’organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires.

 

 

Ÿ  L’inspecteur d’académie décidera la mise en réseau des écoles y compris contre l’avis des conseils des maîtres

 

L’article 2 du projet de décret stipule que les réseaux d’école sont créés par l’inspecteur d’académie après avis “du conseil des maîtres et du conseil d’école des écoles concernées ainsi que des communes ou, le cas échéant du ou des EPCI intéressés et après consultation du CDEN”.

Les représentants du ministre ont confirmé à la délégation que des écoles en désaccord avec leur mise en réseau y seront quand même contraintes par simple décision de l’IA.

 

Ÿ  Le conseil des maîtres de réseau : une nouvelle structure en plus du conseil des maîtres de l’école

 

L’article 3 du projet de décret institue “un conseil des maîtres du réseau” présidé par “le coordonnateur du réseau” et qui “donne des avis sur l’organisation du réseau et sur toutes les questions concernant le fonctionnement du réseau”.

Le ministère a confirmé à la délégation que le Conseil des maîtres de réseau était une nouvelle structure qui s’ajoute au conseil des maîtres de chaque école et a précisé que le projet commun du réseau s’imposera à toutes les écoles.

 

Ÿ  De nouvelles obligations de service ?

 

La délégation a fait remarquer que la formule “le conseil des maîtres de réseau se réunit en tant que de besoin à l’initiative de son président ou à la demande de la moitié de ses membres” est contradictoire avec nos obligations de service de 26 heures hebdomadaires d’enseignement et 36 heures annualisées pour les conférences pédagogiques, les conseils     d’école et les réunions de cycle (décret de 1990).

Le directeur adjoint du cabinet du ministre a reconnu le problème, mais a déclaré ne pas vouloir toucher au texte qui, de fait, suppose de nouvelles obligations de service pour les personnels.

 

La délégation a interrogé ses interlocuteurs sur les risques de conflits entre collègues et entre écoles ouverts par le passage du projet de décret qui stipule: “Le Conseil des maîtres du réseau donne son avis sur l’organisation du réseau et sur toutes les questions concernant le fonctionnement du réseau”.

Les représentants du ministre ont répondu que c’était le jeu normal de la démocratie, le vote tranchera.

 

Ÿ  Des conseils de cycle organisés au niveau du réseau ?

 

À propos des articles 4 et 5 du projet de décret, relatifs aux “conseils de cycles”, les représentants du ministre ont répondu qu’ils souhaitaient que les conseils de cycles soient organisés au niveau du réseau mais qu’on ne pourrait pas, dans l’état actuel des choses, empêcher une école de maintenir ses propres conseils de cycles.

 

Ÿ  Le représentant de l’EPCI siégera au conseil d’école

 

L’article 6 du projet de décret permet à un représentant de l’EPCI* de siéger au conseil d’école alors qu’il n’est pas obligatoirement membre du conseil municipal de la commune de l’école.

 

A la délégation qui s’interrogeait du bien fondé de cette mesure, le ministère a répondu que la mise en place des EPCI à vocation scolaire change la situation de l’école communale. En clair, cela signifie que le décret vise à donner aux EPCI le pouvoir de gérer les écoles du Réseau.

 

Ÿ  Les réunions du conseil de réseau obligatoires pour les directeurs et les adjoints “désignés volontaires”

 

Concernant l’article 8 du projet de décret relatif à la composition du conseil de réseau, si le ministère parle de volontariat pour désigner le “représentant des enseignants de l’école” appelé à siéger avec le directeur de l’école, c’est pour ajouter aussitôt qu’il y aura bien une obligation pour le directeur et le collègue “désigné volontaire” d’y participer.

 

Comme 6 heures sont prévues par les textes réglementaires pour la participation obligatoire des enseignants au conseil d’école, le ministère a précisé que, de fait, les réunions du conseil de réseau s’ajouteront aux réunions du conseil  d’école.

 

Ÿ  Le conseil de réseau : une assemblée de plusieurs dizaines de membres…

 

Concernant la composition du conseil de réseau, la délégation a démontré que cette instance, qui pourrait comprendre plusieurs dizaines de membres avec voix délibérative, aboutirait obligatoirement à la constitution de majorités et de minorités, ce que les enseignants étaient parvenus à éviter dans la plupart des conseils d’école.

 

Si le ministère a reconnu que le nombre de participants posait problème, il a ajouté qu’il fallait s’en remettre à la démocratie et aux votes. Devant les arguments de la délégation, il a précisé oralement qu’en cas de conflit, l’IEN pourrait trancher mais qu’il n’entendait pas l’écrire dans le décret.

Le ministère a reconnu par ailleurs que le président de l’EPCI aurait, de fait, les mêmes pouvoirs que l’IEN pour la convocation du conseil de réseau.

 

Ÿ  …qui adopte le projet de réseau que les enseignants doivent appliquer

 

Le projet de décret relatif aux prérogatives du conseil de réseau précise en effet que :

“Le conseil de réseau adopte le projet de réseau.

Dans le cadre de ce projet, le conseil définit les objectifs éducatifs communs aux écoles membres du réseau. Pour cela, il fixe les orientations concernant les actions pédagogiques et éducatives à réaliser pour mettre en œuvre ces objectifs ; il donne son avis sur toutes questions intéressant la vie du réseau, notamment sur l’utilisation des moyens alloués aux écoles du réseau et sur l’utilisation des locaux de ces écoles, pour la réalisation d’actions communes”.

 

 

Projet de décret modifiant le décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d’école.

 

 

 

Ÿ  Le coordonnateur de réseau : nommé sur profil pour mettre en place le réseau et faire appliquer le projet

 

Les articles 2 et 4 du projet de décret instituent la fonction de “coordonnateur de réseau d’écoles” et fixent les conditions de nomination dans les fonctions de coordonnateur de réseau.

 

Le ministère a confirmé qu’il ne s’agissait pas d’un emploi mais de fonctions définies par une lettre de mission chargeant le “coordonnateur” de mettre en place le réseau et de mettre en œuvre le projet adopté par le conseil de réseau.

C’est pourquoi, le ministère tient absolument à ce que sa nomination se fasse “sur profil” et relève exclusivement de la décision de l’IA.

 

Il a précisé qu’il était hors de question qu’il puisse être nommé sur la base d’un barème. Comme il ne s’agit pas d’un poste, ses fonctions pourront lui être retirées sans autre forme de procès. A la question de savoir si une telle décision pouvait intervenir après une intervention d’un président d’EPCI, le représentant du ministre n’a pas voulu répondre.

 

Ÿ  Des décharges de service attribuées aux coordonnateurs à moyens constants

 

A la délégation rappelant les revendications des directeurs d’amélioration des décharges, le ministère a opposé l’attribution de décharges aux “coordonnateurs” (1/2 décharge pour un réseau d’au moins 15 classes, une décharge complète pour un réseau d’au moins 24 classes), bien entendu à moyens constants.

 

Il a ajouté qu’il entendait privilégier les réseaux d’une trentaine de classes.

Dans le même esprit, le ministère a justifié une nomination pour trois ans renouvelables une fois sur le même réseau et l’obligation, pour rester coordonnateur, de postuler sur un autre réseau (“mobilité fonctionnelle”).

 

Ÿ  Le coordonnateur : un supérieur hiérarchique de fait

 

L’article 3 du projet de décret définit les missions du coordonnateur de réseau.

 

A ce propos, la délégation a souligné que les directeurs d’école comprendront difficilement qu’un “coordonnateur” puisse se substituer à eux pour l’accomplissement de leurs fonctions, en particulier celle de représenter l’école auprès de la commune, des associations et des différentes institutions…

 

Dans le même ordre d’idée, le projet précise qu’il “assure la coordination entre les écoles du réseau pour la réalisation des actions pédagogiques et éducatives communes dont les orientations sont fixées par le conseil de réseau (…)”.

En clair, ces dispositions font du “coordonnateur”, le VRP du projet de réseau auprès des directeurs d’école ce qui n’est pas acceptable. Non seulement cela créera des tensions mais en plus “le coordonnateur” apparaîtra, de fait, comme un supérieur hiérarchique.