Syndicat des personnels
du ministère de l’Education Nationale
Force ouvrière
Sommes nous aujourd’hui confrontés à un simple processus de transformation ou à une entreprise de destruction de fond en combles de la Fonction publique ?
Pour répondre à cette question, l’exemple de l’Education nationale est particulièrement illustratif, et d’abord parce qu’il s’agit de la plus grosse administration en termes d’effectifs.
Le décret de réorganisation a été publié au JO du 21 Mai 2006.
Dès le mercredi 24 mai,
M.ANTOINE, nommé la veille, secrétaire général du Ministère, nouvelle fonction
inventée à cette occasion, annonce officiellement aux organisations syndicales
le déménagement de la nouvelle DGRH (composée pour une grosse partie de
l’ex-Direction des personnels enseignants rue de Chateaudun) vers la porte
d’Ivry ,rue Regnault . L’achat des nouveaux locaux se ferait en septembre et le
déménagement dans 18 mois. Cela signifie une heure de transport supplémentaire
pour la majorité des collègues qui arrivaient par les gares de l’Est ,du Nord
et St Lazare .et excentre cette direction de manière très symbolique par
rapport au 110,rue de Grenelle.
Le but affiché est de mettre
les structures de l’administration centrale en adéquation avec la LOLF.
Cela se traduit par la réduction de ces structures de 11 directions à 3 directions générales et un secrétariat général.
Les 11 directions ainsi supprimées correspondaient aux grands domaines d’intervention de l’administration centrale : Enseignement supérieur (essentiellement détermination des enseignements dispensés via les contrats avec les établissements du supérieur et habilitation des diplômes) , Enseignement scolaire (avec un service des enseignements dans les écoles, collèges et lycées, et réglementation des diplômes professionnels), Recherche, Technologie, Evaluation et prospective (statistiques et évaluation), Personnels enseignants (gestion des enseignants avec un service des statuts), Encadrement (gestion des personnels d’encadrement), Personnels, modernisation et administration (gestion des personnels administratifs et logistique de tous les services), Affaires financières, Affaires juridiques, Relations internationales.
Les 3 nouvelles directions dites générales correspondent aux grands programmes définis dans le cadre de la LOLF : enseignement scolaire, enseignement supérieur, recherche et innovation. Quant au secrétariat général, il chapeautera un certain nombre de services clairement appelés à disparaître très rapidement, des responsables de ces services ayant eux-mêmes précisé que leur rôle serait désormais d’apprendre aux directions générales à faire leur travail. Dans la logique de la LOLF, ce qui ordonne tout, ce ne sont plus les missions de service public, mais les enveloppes budgétaires globales dont l’utilisation fera l’objet de choix à tous les niveaux. Tout relève de l’utilisation de ces enveloppes budgétaires dont les 3 directions générales auront en charge la répartition vers les académies qui, elles-mêmes, en assureront la distribution aux établissements. Dans ces conditions, une direction des affaires financières indépendante n’a, par exemple, plus lieu d’être.
Le service chargé de la
gestion de tous les personnels, enseignants et non enseignants (DGRH), fait
aussi partie de ces services en voie de disparition rapide.
Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les missions qui étaient dévolues à la Direction des Personnels Enseignants (DPE) et celles de la nouvelle DGRH. Les missions de la DPE étaient définies de la façon suivante : « Elle définit et exécute la politique de recrutement et de gestion de carrière des personnels enseignants du 1er degré, du second degré et de l’enseignement supérieur ». Celles de la DGRH sont désormais définit ainsi : « Elle prépare, en liaison avec les autres directions générales, la politique de recrutement du ministère. Elle la met en œuvre en veillant à la cohérence des actions conduites par les autorités académiques. En liaison avec les directions générales, elle définit les orientations relatives à la gestion de carrière des personnels ». Son rôle se réduit donc à la définition de grandes orientations de politique générale. Toute gestion nationale doit disparaître, la DGRH se contentant de veiller à la cohérence des actions décidées au niveau académique dans le cadre de l’enveloppe budgétaire allouée. C’est la logique de la LOLF qui substitue à toute gestion statutaire la gestion d’une masse salariale, de crédits dits fongibles. La restructuration de la centrale contient donc la liquidation des statuts nationaux de tous les agents de l’Education nationale, enseignants et non enseignants.
Les directions générales seront elles-mêmes très largement des coquilles vides.
C’est évident pour la direction de la recherche et de l’innovation dont le rôle se réduira, dixit le ministre, au suivi des agences mises en place. Mais, tous les services qui avaient en charge d’assurer le respect des normes nationales permettant à l’ensemble des élèves et étudiants l’accès à un même enseignement préparant à des diplômes nationaux sont de plus en plus, eux aussi, amenés à se limiter à la définition de grandes orientations générales. C’est particulièrement net dans le secteur de l’enseignement supérieur où les attaques ont été portées le plus loin avec le LMD et l’instauration des PRES associant établissements publics et privés. On parle maintenant de « contrats light » entre l’Etat et les universités, le document produit par la direction concernée devant être réduits à quelques pages d’orientations très générales. Et on parle, également, de la suppression de l’habilitation par le ministère des diplômes universitaires.
Les directions générales ne seraient, effectivement, que de simples distributrices d’enveloppes budgétaires globales dont l’utilisation ferait l’objet de choix locaux dans le cadre de la régionalisation et de l’autonomie des établissements.
La restructuration de la centrale contient la généralisation du principe du plan « ambition-réussite » confiant à un certain nombre d’établissements scolaires le soin de définir eux-mêmes leurs horaires d’enseignement.
C’est la fin de l’égal accès à
un même enseignement. C’est l’éclatement de haut en bas de l’école de la République
et la marche à la privatisation imposée par l’Union européenne.
D’ailleurs, la restructuration multiplie les transferts de missions de la centrale vers des agences dont l’avenir est tout tracé, l’une d’entre elles ayant été, en 2005, purement et simplement transformée en société anonyme. On retrouve, au niveau du ministère, le processus de filialisation qui touche les services publics comme la SNCF ou la Poste. D’ores et déjà, de fortes pressions s’exercent sur les personnels pour les contraindre à rejoindre ces agences avec perte de toutes leurs garanties statutaires puisqu’ils seraient détachés sur des contrats.
Mais, pour mener à bien le démantèlement de l’administration centrale et, donc, mettre réellement en œuvre la restructuration, il faut pouvoir vider la centrale de ses personnels et lever un obstacle majeur, à savoir l’existence de corps particuliers d’administration centrale qui donnent vocation à exercer en administration centrale.
C’est à cet obstacle que s’est heurtée l’administration lorsqu’elle a tenté d’éjecter les ouvriers du ministère hors de la centrale et c’est ce qui fait de la fusion des corps une question cruciale. D’ailleurs, nous avons appris qu’un préfet avait confié que deux obstacles demeuraient encore à une régionalisation complète : les statuts d’administration centrale et le statut des enseignants.
Un projet de décret de fusion des corps d’attachés d’administration centrale et d’attachés des services extérieurs (ASU) a déjà été présenté aux organisations syndicales en vue d’une application au 1er janvier 2007. Il constitue, aux dires mêmes de l’administration, une première mesure d’application du plan Dutreil de suppression des corps de fonctionnaires. Les corps de catégorie B et C suivraient très rapidement. La fusion des corps était incluse dans le volet statutaire de l’accord salarial signé par la CFDT et l’UNSA.
L’enjeu est essentiel puisqu’il s’agit de permettre des transferts forcés et massifs de personnels et pour quelle destination ? A priori pas les services extérieurs (rectorats et académies) où les suppressions de postes se poursuivent. Pas non plus les établissements scolaires puisque l’objectif affiché est la mutualisation de leurs moyens. Quant à la territoriale, on voit bien avec les TOS que ce qui est à l’ordre du jour, c’est la privatisation des tâches actuellement assumées par les fonctionnaires. C’est donc bien l’emploi des fonctionnaires lui-même qui est en cause.
Et tout ce dispositif n’a rien de spécifique à l’Education nationale. On le retrouve dans tous les autres ministères et à tous les niveaux de l’appareil d’Etat.
La circulaire du Premier ministre du 2 janvier 2006 sur la réforme de l’administration départementale de l’Etat prévoyait d’expérimenter le plus loin possible cette réforme dans le Lot en rattachant tous les services déconcentrés à « trois directions générales de nature opérationnelle (territoires, populations, sécurité) et à une direction générale de soutien (ressources humaines et logistique) ». Dans ce cadre, il n’y a plus de services extérieurs chargés de mettre en œuvre les normes nationales édictées par les administrations centrales mais des services chargés d’appliquer des politiques régionales d’utilisation des enveloppes budgétaires globales de la LOLF. Tout lien hiérarchique entre les centrales et ces services devient impossible.
Par ailleurs, le projet de loi Jacob sur la Fonction publique met en place un dispositif de liquidation des statuts notamment en substituant la VAE aux concours, en prenant en compte l’ancienneté acquise dans le privé, en permettant le recrutement de fonctionnaires à temps non complet, en instaurant la possibilité de créer des CAP commune à plusieurs corps. Toutes ces dispositions, comme l’élaboration d’un répertoire des métiers, vont dans le même sens que la fusion des corps : casser les statuts particuliers et la reconnaissance des qualifications pour lever tous les obstacles à la mobilité forcée, à la « flexibilité », indispensable pour parvenir aux réductions massives d’effectifs qu’ordonne Bruxelles.
Nos structures syndicales pourraient-elles « s’adapter » à tout cela sans disparaître ? Qu’auraient-elles encore à défendre et à négocier s’il n’y a plus de règles statutaires nationales, plus d’interlocuteur correspondant à leur champ d’intervention, et si même les instances paritaires sont remises en cause avec l’instauration de fait de nouvelles instances au rôle tout différent d’organes de cogestion de la GPEC ?