Le secrétaire général
de la Confédération Force
Ouvrière
s’adresse aux députés.
Paris, le 12 Mars 2004
Mesdames,
Messieurs les Députés,
Madame, Monsieur,
Alors que le débat parlementaire est
engagé sur la loi relative aux responsabilités locales faisant suite à la
révision constitutionnelle du 28 mars 2003, nous tenons à vous faire part des
inquiétudes, mécontentements, incompréhensions et risques inhérents à la mise
en place de la décentralisation.
En temps opportun, notre
Confédération Syndicale s’était adressée au Gouvernement sur les conséquences
du processus de décentralisation au regard des valeurs républicaines, sachant
que ce processus s’inscrit dans un double mouvement : le retrait de l’Etat
et l’autonomie progressive de l’échelon régional.
Ainsi, les transferts de compétence
et de fonctionnaires de l’Etat aux régions qui accompagnent cette mutation,
supposent la création de cadres institutionnels appropriés à l’action
régionale. Au-delà de leurs statuts, les personnels concernés défendent le
principe d’égalité attaché à leurs missions de service public et craignent que
ces transferts ne se traduisent par une inégalité d’accès aux services publics
auxquels tous les citoyens doivent pouvoir prétendre.
Le fait que la décentralisation
intervienne alors que les contraintes économiques européennes limitent
significativement la progression des dépenses publiques n’apparaît pas comme
relevant d’une coïncidence. Les transferts vers les collectivités territoriales
risquent, en effet, de se traduire par une augmentation de la pression fiscale
et par une externalisation accélérée de services publics, moyen de
privatisation.
L’argument, selon lequel la
décentralisation doit rapprocher les citoyens des lieux de décision, n’apparaît
guère plus pertinent dans la mesure où nombre de services publics sont frappés
localement de fermetures (perceptions – bureaux de postes – écoles – etc…),
contredisant ainsi la présentation faite des avantages supposés de la régionalisation.
Nous voyons, par ailleurs, un
parallèle étroit entre la décentralisation et la mise en œuvre, au travers de
la loi portant réforme du dialogue social, d’une inversion de la hiérarchie des
normes avec la priorité accordée au niveau de l’entreprise pour la négociation.
Nous sommes informés d’initiatives visant à générer des accords locaux tant
dans le secteur privé que dans le secteur public. Une telle situation
conduirait à terme, à un démantèlement des statuts et des conventions collectives,
par la généralisation d’exceptions locales. Ce serait également la négation de
l’égalité des citoyens qui suppose l’égalité devant la loi : code du
travail, statut de la fonction publique.
Il ressort de tout cela une vive
inquiétude quant au respect des valeurs républicaines dans le cadre d’une
organisation décentralisée de l’Etat.
En marginalisant l’unité,
l’indivisibilité de la République, en facilitant le développement des
particularismes locaux on encourage le communautarisme, la montée de l’individualisme,
la dislocation du tissu social.
Fondamentalement attachée aux
valeurs républicaines, la CGT- Force Ouvrière tient à souligner qu’à l’occasion
du scrutin présidentiel de 2002 s’est largement manifesté un désarroi devant
l’implosion du contrat social sous
l’effet du poids dominant accordé au marché, poids qui menace la démocratie. En
effet, autant la démocratie peut ne pas être républicaine, autant le marché
n’est pas obligatoirement synonyme de démocratie.
Convaincu que les valeurs de liberté,
d’égalité, de fraternité et de laïcité sont des valeurs universelles dans le
temps comme dans l’espace, et qu’elles ne sauraient servir de référence
seulement à l’occasion de campagnes électorales, vous comprendrez, Madame,
Monsieur le Député, que nous attirions particulièrement votre attention sur ces
questions au moment où le débat parlementaire sur la décentralisation va se
poursuivre.
Persuadé de votre attachement à la
pérennité de notre modèle républicain,
Je vous prie de croire, Madame,
Monsieur le Député, à l’assurance de mes sincères salutations.
Le Secrétaire Général
Jean-Claude MAILLY