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millions de manifestants pour le retrait du CPE
Un raz-de-marée sans précédent d’opposants au CPE a
déferlé mardi en France. Dominique de Villepin est resté inflexible. Pour
combien de temps?
Toujours plus haut, toujours plus fort! Selon les organisateurs, trois millions de manifestants sont descendus mardi dans la rue un peu partout en France pour exiger haut et fort le retrait et rien que le retrait du CPE. Un chiffre historique qui a pu être atteint, notamment grâce aux nombreux appels à débrayer (dans le public et dans le privé) et qui place de fait le Premier ministre, Dominique de Villepin devant ses responsabilités. Mais celui-ci continue à mettre en avant sa pseudo offre de dialogue social, qui relève plus de la communication politique – répandre l'idée selon laquelle ce sont les syndicats qui sont fermés à la discussion et pas le gouvernement – que d’une réelle volonté de sortir de la crise.
Selon tous les observateurs, on n’avait jamais vu une telle démonstration de force dans la rue : 700 000 personnes ont défilé à Paris, 250 000, 120 000 à Bordeaux, 70 000 à Nantes, 50 000 à Rennes, à 60 000 à Grenoble, 80 000 à Toulouse et à Lille ou encore 50 000 à Montpellier, à Nancy à Pau et à Clermont-Ferrand (chiffres des organisateurs, consultables sur notre page d’accueil). Les syndicats ont dénombré trois millions de manifestants en tout sur le territoire tandis que les policiers police ont donné le chiffre de 1 055 000 personnes. Les uns et les autres font donc état d’un doublement des chiffres de la mobilisation nationale du 18 mars.
Du côté des grèves et arrêts de travail, les transports urbains, ferroviaires, aériens ont été perturbés dans l'ensemble de l'Hexagone. Dans l’Éducation nationale, la participation moyenne à la grève des personnels (toutes catégories confondues) a été supérieure à 60 %. Ailleurs, le secteur public (Fonction publique, ANPE, Poste, EDF et Gaz de France) et le secteur privé (avec des de milliers d’arrêts de travail constatés dans les télécoms, les banques, la métallurgie, le tabac, la presse, l’audiovisuel public…) ont été concernés par des débrayages de salariés. Au niveau des universités, les trois quart d’entre elles ont été touchées par des blocages. Ceux-ci ont affecté également plus de mille lycées.
«J'ai écrit (lundi) aux syndicats, je leur ai proposé d'en discuter (mercredi) à Matignon. Ils ont refusé la main tendue. Je leur renouvelle ici devant vous tous cette proposition», a affirmé mardi après-midi le chef du gouvernement à l’Assemblée nationale. Mais la discussion qu’il leur propose ne peut s’inscrire que dans le cadre d’un aménagement de son dispositif, qu’il refuse toujours de modifier réellement. «S'ils veulent réduire la période des deux ans, s'ils veulent prévoir un entretien à la rupture du contrat, j'y suis prêt», a précisé le Premier ministre avant d’ajouter à l’adresse des opposants à son contrat précaire: «la République, ce n'est pas les préalables, ce n'est pas l'ultimatum». Une allusion à la demande des syndicats d'un retrait du CPE avant toute nouvelle discussion avec lui. L’inflexibilité du M. de Villepin n’impressionne aucunement les douze organisations de salariés, d’étudiants et de lycéens à l’origine de l’appel et du succès incontestable de la journée de la mobilisation de mardi.
Toutes ont décliné logiquement la prétendue ouverture du Premier ministre.
Plus de 3 millions dans les rues, c'est historique. Il est impensable que le Premier ministre reste arc-bouté sur sa position. La prochaine étape, c'est à lui et au gouvernement de la fixer. Pour nous, il n'y a qu'une seule issue, c'est le retrait de cette réforme», a déclaré Bernard Thibault (CGT). Pour François Chérèque (CFDT), «le Premier ministre a un préalable: on accepte le CPE et après on discute. Pour nous, c'est inacceptable. Ce qui est sûr, c'est que chaque semaine on est de plus en plus nombreux et chaque semaine on peut faire mieux». Selon Jacques Voisin (CFTC), «les syndicats (…) sont face au Premier ministre qui dit vouloir négocier mais refuse de nous écouter. Il y a sûrement une stratégie de la part M. de Villepin, mais personne n'a intérêt à ce que la situation pourrisse». Bruno Julliard (UNEF) a estimé qu’«on est face à un raz-de-marée (…), il est impensable qu'il ne modifie pas son invitation pour trouver une porte de sortie de crise». M. de Villepin «ne peut pas être en décalage avec ce qui se passe dans le pays. Il doit faire preuve de courage politique et retirer le CPE», a jugé pour sa part Karl Stoeckel (UNL).
Sachant que «la mobilisation est plus du double» par rapport au du samedi 18 mars, a observé Jean-Claude Mailly (FO), «il est temps que le Premier ministre écoute et respecte les règles de la démocratie». Il a d’ailleurs fait remarquer que «cette mobilisation est la plus forte de l’histoire de la Ve République».
Les douze organisations (FO, CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, FSU, UNSA, Solidaires, UNEF, Confédération étudiante, FIDL, UNL) doivent se retrouver dès mercredi après midi pour examiner l’attitude des pouvoirs publics et pour décider de leur réponse, dans ce bras de fer qui a pris mardi une dimension historique.