Le SNUDI – FO écrit au ministre pour demander de ne pas
retenir les recommandations du Rapport Tabarot Monsieur le Ministre, Le
SNUDI-FO et la confédération Force Ouvrière sont particulièrement attachés à la défense de l’Ecole maternelle publique, gratuite et laïque et de ses
personnels qui depuis un an sont l’objet d’une inquiétante campagne de
dénigrement dans différents rapports ou déclarations de représentants de
l’Etat. Le
SNUDI-FO a ainsi pris connaissance du Rapport de
Mme Tabarot sur « le développement
de l’offre d’accueil de la petite enfance » rendu publique le 23
juillet 2008, soit quelques jours après votre intervention du 3 juillet devant la commission publique des
finances au Sénat qui, comme vous le savez, a suscité de très vives réactions de la part des enseignants
mais aussi des parents et de nombreux élus. Le rapport de Mme Tabarot constitue selon nous une nouvelle
pièce à charge contre l’école maternelle considérée comme étant un modèle
dans de nombreux pays. S’agit-il aujourd’hui de mettre fin à cette spécificité
française ? Cette question est légitime puisque le rapport préconise
notamment de mettre en œuvre les
objectifs du Conseil européen de Barcelone qui en 2002 enjoignait les Etats
membres de mettre en place d’ici 2010, des « structures d’accueil »
diverses, variées, municipales ou privées pour tous les enfants n’ayant pas
l’âge de la scolarité obligatoire. Le
rapport propose ainsi de « développer
sur l’ensemble du territoire l’offre de garde destinée prioritairement aux
enfants âgés de 2 à 3 ans, en créant des jardins d’éveil dans les structures
existantes et les écoles maternelles ». Pour
justifier cette
« innovation », Mme la députée se livre à une comparaison partial et
offensante: "si l’école propose
davantage d’activités pédagogiques (graphisme, les activités logiques, le
langage, les explications, les repères spatio-temporels), elle sait moins
bien gérer les temps d’attente et les
enfants s'y ennuient ». Considérer que
l’apprentissage et la maîtrise du langage, que le graphisme et le
développement de la motricité, que la préparation aux apprentissages
ultérieurs provoquent l’ennui, c’est insinuer, comme le fait le rapport du
HCE d’août 2007, que l’école maternelle porterait sa part de responsabilité
dans le développement des difficultés et retards scolaires. Nous pensons a
contrario que l’école maternelle joue un rôle essentiel dans la préparation à
l’acquisition des connaissances. C’est par exemple ce
que démontre une étude de l’IREDU : « La fréquentation de
l’école maternelle procure un avantage pour la suite de la scolarité, tant
sur la plan des acquisitions, qu’en termes de carrière scolaire en réduisant
la probabilité de redoubler une classe, et notamment le cours préparatoire.
Les effets étant d’autant plus positifs que la scolarisation en maternelle a
été longue ». L’école maternelle constitue
un facteur essentiel du droit à l’instruction pour tous. Monsieur le Ministre,
depuis des années, les contraintes budgétaires ont imposé à l’école
maternelle de nombreuses fermetures de classes, voire d’écoles entières (en dix ans, 1 123 écoles maternelles publiques
ont disparu),
la remise en cause de la scolarisation des enfants de 2 ans passée de
35 % en 2001 à 20% en 2007, une dégradation des conditions de travail des personnels avec des
classes souvent surchargées, des fusions avec des écoles élémentaires, une
augmentation des scolarisations à temps partiels… Ignorant ces problèmes
et toute mesure pouvant y remédier, le rapport Tabarot recommande à l’inverse
le recours à tous les modes de garde concurrentiels et un désengagement sans
précédent de l’Etat. « L’application
des objectifs de régulation budgétaire au Ministère de l'Education nationale
pourrait le conduire à poursuivre sur la voie de la
diminution, voire de la suppression de l’accueil d’enfants de 2 à 3 ans à
l’école maternelle, dans la mesure où cette mission n’est pas au nombre de
ses compétences obligatoires. » Le rapport propose en
fait de dépasser les dispositifs existants en s’attaquant de front à
l’existence même de l’école maternelle publique, laïque et gratuite et au
statut de ses personnels fonctionnaires d’Etat en préconisant une fusion des
« jardins d’éveil » avec la maternelle, la
« transformant » en structure d’un type nouveau. Ces
« jardins d’éveil » qui pourraient donc être créés au sein des
écoles maternelles seraient « ouverts
de 7 heures à 19 heures et lors des congés scolaires » ; ce
sont les communes qui assumeraient la responsabilité de ce service qui serait
payant. « Le jardin d’éveil pourra être ouvert dans les locaux de
l’école maternelle, dans les locaux d’une crèche, ou créé ex nihilo. En
fonction de sa localisation, il pourra être dirigé soit par un directeur d'école - moyennant une indemnité
compensatrice, soit par un coordonnateur petite enfance chargé du suivi
technique et administratif du jardin d’éveil, soit par un éducateur de jeunes
enfants, ou un directeur de crèche en poste dans un autre
établissement multi-accueil. Le matin, auront lieu les activités d'apprentissage et d’éveil. L’Education nationale sera
chargée d’assurer la coordination entre
enseignants de maternelle et éducateurs des jardins d’éveil quant aux
objectifs et méthodes pédagogiques ». L’objectif
est donc clairement -
d’amplifier et d’achever un processus engagé depuis la loi d’orientation de
1989 dont l’article 2 limitait la scolarisation en maternelle et renforcé par
différents décrets (décret du 1er août 2000 portant création des jardins
d’enfants pouvant accueillir jusqu’à 6 ans, décret du 20 février 2007
réformant les dispositions applicables aux établissements et services
d'accueil des enfants de moins de six ans) ; -
de contribuer au plan de suppression de milliers de postes annoncé par le
projet de budget 2009 ; -
d’ouvrir la voie à tous les partenariats publics-privés dans le cadre par
exemple de la création des Etablissements Publics d’Enseignement Primaire
avec les associations, les entreprises, les collectivités, les Caisses
d’Allocations Familiales… -
de remettre en cause le statut des
personnels par leur mise sous tutelle et à terme leur remplacement par les personnels les
plus divers (le rapport recommande par exemple de faire appel aux seniors («
papys-sitters et mamies sitters »). Dans
ces conditions, et pour toutes ces raisons, je vous demande, Monsieur le
Ministre, de ne pas retenir les recommandations du Rapport de Mme Tabarot. Persuadé
que notre démarche retiendra toute votre attention, veuillez agréer, Monsieur
le Ministre, l’expression de ma parfaite considération. Norbert Trichard Secrétaire Général |