Montreuil, le 17 août 2004
Monsieur le Ministre de l‘Education nationale,
de l’Enseignement supérieur et de
la Recherche
110 rue de Grenelle
75 007 PARIS
Objet : demande d’audience en prévision de la rentrée
scolaire
Monsieur
le Ministre,
Notre
Fédération nationale a fait à nouveau le point avec ses syndicats quinze jours
avant la rentrée scolaire. Les éléments recensés confirment ce que nous
indiquions déjà en juin et en juillet à vos collaborateurs lors des audiences
où nous avons présenté un certain nombre de dossiers précis et lors des
réunions d‘organismes paritaires : la rentrée scolaire 2005 s’annonce comme une
rentrée plus que préoccupante pour les élèves comme pour les personnels.
C’est pourquoi nous souhaitons
vous rencontrer au sujet de mesures d’urgence à prendre sur le plan des moyens,
sur le plan statutaire et sur celui de l’emploi pour répondre à des situations
concrètes et précises.
1) A Paris, 2450 enfants de 2 et 3
ans n‘auront pas le droit d‘être scolarisés en maternelle. Ce n’est pas le seul
département concerné. En Indre et Loire, le Conseil Municipal de la ville de
Tours a ainsi décidé d’autoriser les inscriptions en crèche des enfants jusqu’à
l’âge de 4 ans .Dans ce département, avec 30 postes du premier degré en moins,
les fermetures de classe et les refus d’ouvertures demandées aboutissent à des
moyennes dépassant les 27 élèves par classes. En Seine St Denis, 1700 jeunes
sortant de collège n’ont pas l’affectation correspondant à leur choix. Dans le Rhône, des écoles qui voient leurs
effectifs atteindre le seuil prévu pour une ouverture n’arrivent pas à les
obtenir.
Nous ne pouvons pas tout citer
mais ces faits ne sont pas isolés.
Cette situation et celle de
l’enseignement spécialisé suscitent des réactions légitimes des parents comme
des personnels. Dans le Val d’Oise et l’Isère la suppression de CLISS dans les
écoles rejette les élèves qui y ont droit dans des classes ordinaires ( 70 pour
la seule ville de Grenoble ).A Paris, la suppression de 54 classes de
perfectionnement aboutira au renvoi de 308 élèves dans les classes ordinaires.
Dans ces conditions, il est incompréhensible de voir des rectorats et des
inspections académiques fermés, une, voire deux semaines au mois d’août, ( imposant
ainsi leurs dates de congés payés aux personnels administratifs ), empêchant
les familles angoissées d’avoir un interlocuteur pour répondre à leurs
préoccupations et à nos syndicats de pouvoir avoir une audience.
Nous appuyons tout
particulièrement nos sections qui comme celle de Paris demandent ainsi à être
reçues au ministère suffisamment tôt avant cette rentrée.
Dans l’académie de Nice, notre
syndicat demande avec les personnels le maintien des 7,5 postes d’ATOS et celui
des 3,5 postes de professeurs supprimés ( philosophie, physique, EPS,
histoire-géographie ) au lycée Beaussier. S’ils ne peuvent être entendus au
plan local, ne faut-il pas que vous puissiez écouter leurs doléances, eux et
d’autres encore. Ainsi, notre section d’Ille et Vilaine nous indique que 340
postes d’enseignants du 2d degré
doivent être supprimés ainsi que des dizaines d’options et de formations dont
elle demande le rétablissement. C’est-à-dire 37 BEP, 13 BAC PRO, 12 CAP, en
particulier la section sellerie au LP de Tinteniac, les sections EAT et
bio-services à Louis Guilloux. Au collège de Cancale, les élèves de 4ème et de
3ème sont rassemblés dans un même cours de langue. L’allemand LV1 est supprimé
au collège Zola alors que 16 élèves sont inscrits.
Notre section demande également
l’abandon de l’élargissement des zones de remplacement qui entraîne fatigue et
frais supplémentaires pour nos collègues.
Le Conseil constitutionnel, en
décidant l’invalidation de l’article qui mettait des conditions au transfert des TOS aux départements et
régions d’outre-mer, a considéré que “les écarts existant entre les besoins
de personnels techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées et les
effectifs réels de ces personnels sont plus importants dans certaines académies
de métropole qu’ils ne le sont dans certaines académies d’outre-mer...” Or,le
gouvernement lui-même, ayant jugé nécessaire d’attribuer 27 postes à la Réunion
( qu’on peut considérer insuffisants), pourquoi ne pas généraliser une telle
méthode pour répondre aux besoins de fonctionnement des établissements et des
services dans les académies de métropole comme dans celles d’outre-mer ?
2) Nous souhaitons pouvoir vous
rencontrer avec nos syndicats afin que vous puissiez entendre d'ici cette
rentrée les revendications les plus pressantes des personnels de toutes les
catégories : personnels d’éducation, d’orientation, enseignants, de recherche,
ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, de service, et de santé.
Leur situation, déjà confrontés
pour 100 000 d’entre eux aux conséquences de la loi sur les responsabilités et
les libertés locales qui “laisse craindre, comme l’indique notre
Fédération des Fonctionnaires, un développement des privatisations avec la
mise en cause du statut de tous les personnels, tant ceux exclus de la Fonction
publique de l’Etat que ceux en postes dans les services des départements et
régions, et de leur emploi”, mérite que des mesures d’urgence importantes
soient prises, pour permettre l’accueil dans des conditions décentes des élèves
et des étudiants .
Nous souhaiterions comprendre
comment vous allez mettre en oeuvre votre engagement à ne pas mettre en réseau
les écoles, répondant ainsi aux vœux non seulement des personnels mais
également des élus, compte tenu du fait
que selon la loi, le Gouvernement peut autoriser « pour une durée
maximum de cinq ans« , « une expérimentation tendant à créer des
établissements publics locaux d’enseignement primaire » .
Alors que des Inspecteurs
d’académie rappellent le caractère non obligatoire du deuxième jour de
prérentrée, des enseignants sont soumis au plan local à des pressions qui
nécessiteraient une intervention afin de préserver leurs garanties statutaires
.
Les personnels de l’enseignement
scolaire appartiennent à des corps de fonctionnaires d’État et entendent le
rester. Les difficultés croissantes pour nos collègues du premier degré de
pouvoir sortir de leurs départements dans le cadre des mutations s’opposent au
caractère national de leur statut, comme pour les personnels ATOS, et nous souhaitons que des mesures soient prises
pour répondre à leurs voeux.
La suppression de 5500 postes aux
concours de recrutement des professeurs du second degré cette année - auxquels
il faut ajouter 500 postes non pourvus - et la disparition de 186 concours de
recrutement en 2005 vont créer une situation très difficile dans les
établissements.
Mettre en place des plans de
reconversion et de réorientation professionnelle y compris dans le privé, comme
le prévoit l’académie de Toulouse, n’est-ce pas programmer la disparition de
disciplines dans l‘enseignement public
: l’électronique, l’allemand, l’espagnol... Aucun parent, aucun citoyen ne
pourrait le comprendre.
C’est dans quelques jours,
monsieur le Ministre, que les procédures d’inscription pour les concours 2005
vont avoir lieu. C’est aussi l’une des raisons qui nous amènent à vouloir vous
rencontrer.
Face à ces graves difficultés,
nous constatons que la modification du système de notation et l’introduction de
l’évaluation va faire peser sur nos collègues ATOSS la menace de
l’individualisation de leur carrière et de leur salaire. Déjà, ceux qui
auraient pu bénéficier statutairement d’un avancement ne le pourront pas du
fait de l’absence de campagne de notation pour 2004.
De plus, nous sommes très inquiets
depuis la publication de l’avis du Haut Conseil de l’Evaluation de l’Ecole sur
“l’évaluation des enseignants du premier et du second degré” présenté comme
devant servir explicitement à “d’éventuelles évolutions vers d’autres
fonctions”.
Les inspections et les notations -
administratives comme pédagogiques - doivent représenter une protection vis à
vis des groupes de pression les plus divers et non un instrument de coercition
individualisée.
3) Vous comprendrez , monsieur le
Ministre, que notre Fédération ne peut accepter de mises au chômage, même
intitulées “ fin de contrat“ qui
se multiplient cet été . L’Etat qui a profité du travail de ces milliers
de collègues, ne peut les remercier.
Nous sommes amenés à intervenir
auprès de vous au sujet du Palais de la Découverte où cinq collègues doivent
être mis au chômage au 31 août et au 30 septembre. Il y des centaines
d’établissements et de services touchés
concernant ATOS et enseignants, et que nous avons déjà eu l’occasion de citer
pour certains d’entre eux au ministère.
Au lycée Jules Ferry de Cannes, 14
CES sont licenciés. Au lycée de Corbeil, en 3 ans, 20 collègues ont été
“remerciés”, au lycée Turgot à Paris, 10 CES ne seront pas renouvelés à partir
du 25 juin... La prise en charge financière de ces contrats précaires qui est
imposée aux établissements, dans le cadre de leur autonomie, est passée de 5 à
35%. Ils ne réemploient plus nos collègues CES. Sans eux, sans les
contractuels, faute de création de postes budgétaires de TOS et de
titularisation, les établissements vont vers la paralysie. Nos collègues, chefs
d’établissement, sont bien placés pour indiquer que nous n’exagérons pas.
Les collègues non titulaires
concernés par le plan Sapin ( seulement 55% des ayant droits titularisés) et
les autres non titulaires sont en droit de se demander ce qu’ils vont devenir
du fait des suppressions de postes, d’autant plus dans le cadre des transferts
aux collectivités territoriales. Ils n’ont à l’heure actuelle aucune garantie
réelle de réemploi. Il y a en même temps une précarisation de l’emploi des
fonctionnaires administratifs où, comme à l’Académie de Créteil, les titulaires
sont nommés sur des emplois précaires (
postes provisoires ).
La situation des milliers d’aides
éducateurs n’est toujours pas réglée. En deux ans, 34 000 emplois d’AE et 14
600 de MI-SE, ont été supprimés, soit un total de 48 600 emplois. Vos services
ont annoncé que 19 890 postes d’assistants d’éducation sont occupés sur les 21
886 implantés. C’est à dire la disparition de 28 710 emplois.
Enfin, notre Fédération demande
qu’aucun licenciement de professeurs stagiaires ne soit prononcé. Qui peut comprendre que des enseignants
fonctionnaires stagiaires qui ont satisfait aux épreuves écrites et orales du concours de recrutement de professeur des
écoles soient aujourd’hui menacés de licenciement. Ces collègues , 52 dans
l’académie de Créteil, 2 à ST Etienne, 38 à Versailles, alors que les années
précédentes ce chiffre ne dépassait pas la dizaine dans cette académie, se
voient proposés au licenciement par les IUFM alors qu’ils ont été recrutés et
formés par l’Education nationale.
Il revient aux responsables de
leur recrutement, de leur formation de prendre les mesures qui conviennent pour
qu’ils ne soient pas licenciés et soient titularisés. Si certains d’entre eux
ont pu être repris, tous doivent l’être.
Il en est de même pour plusieurs
dizaines de professeurs stagiaires du second degré à Paris, Amiens, Versailles,
Besançon, Toulouse, Orléans-Tours.
Conscients que vous mesurez la
gravité des difficultés qui attendent les élèves et les personnels d’ici
quelques jours, nous vous remercions de prendre en considération notre démarche
en répondant à notre demande d‘audience. Je vous prie d’agréer, monsieur le
Ministre, l’assurance de ma parfaite considération
François CHAINTRON
Secrétaire Général